Le pardon
juin 30th, 2008 Posted in C'est compliqué !Après un billet intitulé 666, le moment est bien choisi pour en faire un sur le pardon, considéré comme la valeur chrétienne par excellence. Tout d’abord, petite introduction : quelle est ma légitimité pour en parler ? Simplement, comme tout le monde la vie m’a donné quelques baffes (quoique j’aie le sentiment d’en avoir reçu moins que la moyenne), et dernièrement je m’en suis prise une magistrale par la personne de qui je m’y attendais le moins. D’ailleurs, c’est vraiment trop injuste, mais passons. Je n’ai pas, Dieu merci, vécu de grand drame personnel, j’ai eu une enfance plutôt heureuse sans raison particulière d’en vouloir à quiconque, je n’avais donc jamais eu l’occasion de réfléchir sérieusement à cette question.
A l’origine, pour moi, le pardon était simplement l’oubli de la faute pour passer à autre chose. Cet oubli simple a un défaut majeur : il n’offre aucune protection, ni contre l’autre ni contre soi même. Peut-on dire qu’une faute est pardonnée quand elle ressort dans la moindre conversation, dans le moindre reproche ultérieur adressé au “fautif”, même sur des sujets complètements différents ? Et que va penser une personne qui, si elle a conscience d’avoir fauté, ne voit aucun effet de sa faute ? Que finalement ce n’était peut-être pas si grave, que ça ne présente aucune importance pour l’offensé. L’oubli simple est le meilleur moyen pour être un dindon, et de le rester. Bref, trop simple. Sauf si, avec le recul, on réalise que la faute était vraiment bénigne, j’y reviendrai plus bas.
Pourquoi vouloir pardonner ? Ce qu’on n’a pas pardonné reviendra nous hanter à chaque fois que nous verrons la personne qui nous a fait du mal, à chaque fois que nous penserons à elle, à chaque fois que nous serons dans une situation similaire. Et alors, bouffées de colère, de haine contre cette personne, fermeture vis-à-vis d’elle ou, pire, fermeture vis-à-vis d’autres personnes parce qu’elles pourraient, éventuellement, nous blesser de la même manière. Refuser le pardon, c’est se condamner à être perpétuellement la proie de la colère, de la haine. Sans dire que c’est le chemin le plus rapide vers l’enfer (la colère est un péché capital, je crois), c’est un moyen très sûr de transformer sa vie en un mini enfer peuplé d’insatisfactions. Plus on avance dans la vie, plus on se prend de coups, celui qui veut tous les rendre et cherche la vengeance à tout prix ne vivra finalement plus que pour ça et deviendra victime de sa haine.
Comment pardonner ? Ça commence par avoir la volonté d’aller vers l’autre, de le comprendre, de savoir pourquoi il a fait ça. On peut le faire pour soi, dans sa tête, le mieux est quand même d’en discuter avec l’autre, sans se plaindre ou se présenter en Caliméro (“comment as-tu pu oser me faire ça à moi ?”). La compréhension amène à l’empathie, elle permet de réaliser que, peut-être, si l’autre a fait ce qu’il a fait, c’est parce qu’il a perdu le contrôle de la situation, parce qu’il lui manquait une information, parce qu’il a une autre manière de penser. Sans vouloir chercher à tout prix des excuses, ce qui serait tomber dans le déni de la faute, tout aussi destructeur que l’oubli, on peut toujours trouver des raisons à ce qui s’est passé chez la personne ou dans le contexte de la faute. Et ces raisons amènent à voir l’autre comme un être humain, tout simplement, avec ses qualités et aussi ses défauts. Défauts sans lesquels cette personne serait chiante à mourir ! Dans certains cas, comprendre l’autre peut aussi amener à réaliser que finalement, ce qu’on lui reproche si fort n’était peut-être pas si grave.
Que vaut un pardon qui n’est pas demandé ? Tout dépend du point de vue. Je pense aujourd’hui que l’offenseur, s’il est conscient de la faute, n’y attachera aucune valeur. Il le verra comme une preuve de faiblesse, une incapacité à fermer son coeur alors que pour lui, évidemment, c’est la seule chose à faire. Pour l’offensé, ça dépend de l’importance de cette demande. S’il est demandeur, il n’est pas sûr que le pardon puisse être complet. Tant qu’il a un tel désir vis à vis de l’autre personne il sera toujours dans l’attente et ne pourra pas avancer avec cette autre personne. S’il n’est pas demandeur, s’il se place simplement en position d’accepter des excuses si elles viennent, sa position sera plus simple. Enfin, demander pardon, c’est peut-être la première étape pour l’offenseur pour se pardonner à soi même d’avoir blessé l’autre.
Pardonner, c’est être sympa ou être couillon ? Ni l’un ni l’autre. Ce n’est pas non plus oublier, ce n’est pas une chose qui se fait automatiquement quand on “laisse faire le temps”. C’est un choix, qui, comme aimer, doit être refait tous les jours. Et c’est un choix qu’on veut faire, parce que c’est le seul choix qui permet d’être en paix avec le monde, et avec surtout soi même. Le pardon, c’est d’abord le plus beau cadeau qu’on puisse se faire à soi quand on a été blessé.