Une tuile !
avril 23rd, 2009 Posted in Tranche de vieImaginez la scène : je rentre chez moi, tranquillement, après une longue journée de travail acharné à faire gagner toujours plus d’argent à mon patron. Comme toujours, cette phase importante de la journée commence par ouvrir la porte d’entrée de l’immeuble. Puis vient la deuxième étape, celle très délicate consistant à voir si j’ai des amis relever mon courrier. Et c’est là, ce soir là, qu’advint le drame : alors que je farfouillais tranquillement dans le casier qui me sert de réceptacle à publicité factures courrier je tombais sur un papier d’un format inhabituel.
Naïf, je me dis : «on dirait un de ces papiers distribués par les voyants, c’est marrant qu’ils viennent jusqu’ici pour les mettre». J’aime assez ces papiers, ce n’est pas le but recherché mais je les trouve rigolos, parfois j’en fais même un billet (attention, c’est archéologique !). Et puis une fois que j’ai bien ri avec eux, je les donne à un collègue qui les collectionne (“voyantophile” ? “papologue” ? “médiomane” ? “magopinaciophile” ? Comment appeler ce type de collectionneur ?). Donc ce soir là, bien innocemment, je sortis ces micro-prospecti de mon petit alcôve.
Las ! Foin d’innocents marabout, ce que tenaient mes doigt soudain terrifiés n’était rien de moins que le cauchemar du parisien célibataire qui travaille en banlieue – ou de n’importe qui dont le lieu de travail est à plus de 45 minutes de son lieu d’habitation, et qui ne connait aucun voisin gentil auquel il pourrait confier une délicate mission – ce qui au final fait pas mal de monde. Je tenais dans mes mains moites rien de moins qu’un avis de passage du facteur ! Et là, un film terrible s’est déroulé dans ma tête : il en est ici comme dans mon ancien chez moi, le bureau est ouvert de 10h à 12h et de 14h à 17h, il est fermé le samedi matin quand de toute façon je ne peux pas passer, je serai obligé de poser une demi journée pour chercher cette lettre qu’un immonde a eu l’audace de m’envoyer… bref, mon petit monde tranquille, par la magie de ce bout de papier, s’est mis à vaciller sur ses bases.
A cette occasion j’ai découvert à quel point je m’étais habitué à mon petit confort bourgeois : dans mon immeuble précédent, j’avais une gardienne qui réceptionnait pour moi ce genre d’indélicats envois. Quand on a ce petit confort à domicile, comme il est facile d’oublier les difficultés du commun ! Ah, qu’il était doux d’avoir cette bonne fée à domicile, qui veillait sur ce qui entrait et sortait ! En un instant j’ai compris une chose sur les riches qui vivent dans leurs ghettos dorés : ils sont très, très loin de la réalité, tellement qu’ils ne peuvent même pas concevoir qu’on puisse vivre différemment, que certaines personnes puisse vivre alors que certains de leurs besoin fondamentaux – villa, voitures de sport, jet privé – ne sont même pas satisfaits. Tout cela, par la grâce d’un petit bout de papier, j’ai pu le réaliser. Pauvres riches !
Revenons à nos moutons, ou plutôt à notre postal bordereau. D’un côté on ne peut pas dire que la Poste ne fait pas d’effort pour nous, pauvres usagers travailleurs : l’avis indiquait que sur appel téléphonique de ma part à un numéro même pas surtaxé le facteur pourrait essayer de m’apporter ma lettre le lendemain. Comme ça, ceux qui ne peuvent pas la réceptionner le jour même parce-qu’ils travaillent ont une chance de ne pas pouvoir la réceptionner le lendemain non plus pour la même raison. Si ça c’est pas avoir le sens du service ! Sinon, je pouvais passer dans mon bureau de Poste dès le lendemain à 10 heures.
L’épilogue est moins dramatique que ce que j’avais pu imaginer : le bureau de Poste est à côté du métro. En soit, c’est pas mal. Ensuite, alors que je passais devant pour vérifier ses horaires d’ouverture j’ai pu constater qu’il était en fait déjà ouvert. J’y suis donc entré ert j’ai pu récupérer ma lettre – c’était le surlendemain, je n’avais repéré l’avis que le lendemain du jour où je l’avais reçu. J’en ai quand même déduit l’idée d’une chose à faire à une personne célibataire, qui travaille et fait d’assez gros horaires, si vous voulez l’embêter : envoyez lui un courrier en recommandé ! Cette technique fonctionne aussi avec les retraités.
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