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Quelle histoire !

“L’Amour heureux n’a pas d’histoire…“

Voici le début du sujet de ma première dissertation de français, alors que j’étais jeune, bête et en première. Quel plan pour un tel sujet ? Thèse / antithèse / synthèse ? Un peu simplet, non ? Il me semble avec le recul que, sur une telle citation, il y a peu d’antithèse : quand tout va bien, quand l’Amour est heureux, qu’y a-t-il à en dire ? Prenons cet exemple de conversation – toute ressemblance avec une conversation déjà entendue serait bien entendu tout à fait fortuite et involontaire, j’espère que personne ne se reconnaîtra dans de tels propos :

- Salut, ça va ?
- Ça va, et toi ?
- Ça va.

Fin de citation, fin aussi de conversation. Tout va bien, tout le monde va bien, tout le monde est content, il n’y a rien à dire. À l’inverse, si nous modifions légèrement le même dialogue, on sent tout de suite un potentiel bien plus intéressant :

- Salut, ça va ?
- Non, pas très fort en ce moment…
- Ah bon ? Qu’est-ce qui ne va pas ?

Et d’enchaîner sur une longue litanie de plaintes : j’ai la rate qui s’dilate, j’ai le foie qu’est pas droit, mon rhumatisme se réveille, le beau temps va pas t’nir, y’a plus d’saison et en plus je me coltine ma belle mère à dîner. Dur dur… mais en même temps, quelle histoire ! Là, il y a matière, sinon à un roman, au moins à une bonne nouvelle !

Je m’éloigne de mon sujet, l’Amour. Il en va de ce dernier comme de tout ce qui touche de près la vie quotidienne, parce-que quoi qu’on en dise, même s’il donne l’illusion d’y échapper, l’Amour est justement chevillé au quotidien : quand tout va bien, il n’y a rien à en dire. De là à dire que quand tout va bien on s’emmerde et on se cherche des moyens d’y remédier il n’y a qu’un pas que je fais sans hésiter : l’humain est ainsi fait qu’il ne se satisfait pas des acquis, il faut toujours plus.  Mon Amour est heureux et sans question ? La belle affaire, je m’en fiche, cette sérénité est insupportable, il me faut… autre chose. Quoi ? Je ne sais pas, et je me sens d’autant plus mal que je ne le sais pas, que j’ai tout pour aller bien, que je ne vais pas bien, que je suis en décalage avec l’image que le monde a de moi. Il me faut peut-être juste un peu de nouveauté, un peu de changement, un peu de… doutes ?

Une bonne dissertation se conclut souvent par une ouverture, qui permet d’envisager le sujet sous un autre angle. Je n’ai pas la prétention de dire que ce billet en est une, bien au contraire, il est loin d’être une dissertation tout court. Je me pose tout de même une question qui ferait merveille pour terminer : comment faire pour supporter le bonheur ? Peut-on supporter longtemps de vivre un Amour heureux ?

Informations légales : j’ai téléchargé l’image sur flickr. Elle est sous license Creative Commons.